Devenues un enjeu stratégique, les opérations M&A font l’objet d’un contrôle renforcé des pouvoirs publics au nom de la préservation de la souveraineté économique et financière.
Sans crier gare, la pandémie a rappelé le rôle primordial de la recherche et du développement pour préserver l’autonomie et l’indépendance économique et financière d’un État. Dans ce contexte, certaines opérations M&A ont constitué une menace en provenance de puissances financières étrangères. La tentative d’acquisition en mars 2020 par les Américains de la biotech allemande Curevac, spécialisée dans les thérapies utilisant l’ARN messager en est un parfait exemple.
Dans ce contexte, les dispositifs de contrôle des opérations de M&A ont été renforcés afin de préserver les actifs stratégiques.
M&A. L’autorisation du gouvernement français au service de la souveraineté économique
Sur le fondement de la procédure de contrôle des investissements étrangers régie par le Code Monétaire et Financier[1], le gouvernement français peut s’opposer ou autoriser sous conditions l’acquisition d’une société française exerçant une activité sensible (i.e. défense nationale, sécurité des systèmes d’information) par un acteur étranger. Précisé par la loi Pacte2, son champ d’application a été étendu, sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire, à l’activité des biotechnologies3 et à tout investissement dans une société cotée conduisant à franchir le seuil de 10% (au lieu de 25%4) des droits de vote, et ce jusqu’au 31 décembre 20215.
Si dans le passé, Bercy semblait réticent à faire usage de cette procédure, cette tendance semble s’être inversée au nom de la préservation des actifs stratégiques de la France. Bercy a usé pour la première fois, de son droit de véto, en décembre 2020, en s’opposant à l’acquisition par une société américaine de la société Photonis, spécialisée dans la vision nocturne.
En janvier 2021, sans attendre une consultation officielle, le gouvernement a manifesté son opposition au rapprochement du géant de la distribution alimentaire Carrefour avec le canadien « Couche-Tard ». Le contexte de crise favoriserait le recours à une certaine forme de protectionnisme et l’intervention de l’État dans la vie des affaires. En ce sens, l’intervention contestée du gouvernement dans l’acquisition de la société américaine Tiffany & Co par LVMH.
M&A. Le filtrage des investissements étrangers par l’Europe pour des motifs de sécurité ou d’ordre public
La Commission européenne s’est également saisie du sujet. Le filtrage des investissements étrangers a vu le jour6 concomitamment à l’émergence de la crise sanitaire où le contrôle des actifs stratégiques est apparu impérieux et est entré en vigueur le 11 octobre 2020.
Ce dispositif, non contraignant, permet aux États membres de l’Union Européenne de soumettre à la Commission Européenne une acquisition par un investisseur étranger portant sur un actif dit stratégique et favoriser la communication entre les États membres. L’objectif est de préserver les entreprises et les actifs critiques de l’Union, notamment dans des domaines tels que la santé, la recherche médicale, la biotechnologie, les données, l’intelligence artificielle et les infrastructures essentielles à la sécurité et à l’ordre public, sans compromettre l’ouverture générale de l’Union aux investissements étrangers. La protection de la santé publique est reconnue comme étant une raison impérieuse d’intérêt général.
La Commission pourra émettre un avis ou suggérer des conditions (i.e. engagement d’approvisionnement destiné à faire face aux besoins de vitaux nationaux ou de l’UE), néanmoins chaque État restera libre dans sa décision adoptée conformément à sa procédure nationale.
Des discussions sont également en cours au sein de la Commission Européenne pour adopter un règlement encadrant les conditions d’octroi de subventions par des pays tiers à l’Union Européenne à destination des entreprises exerçant une activité économique dans l’Union Européenne afin de contrôler l’indépendance des sociétés européennes.
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La pandémie a exacerbé les écarts entre les puissances financières dans la course aux vaccins et la nécessité d’opérer un contrôle sur des activités dites stratégiques dans les nouvelles technologies et la santé. Cette prise de conscience rappelle que le savoir-faire national et l’acquisition de technologies de pointe permet de répondre aux grands défis sociaux et d’assurer une croissance durable et compétitive d’un État. Cet impératif sera néanmoins à concilier avec la nécessité de financer la recherche et le développement.
[1] L.151-3 du Code monétaire et financier.
[2] Loi n°2019-486 du 22 mai 2019, dite « Loi Pacte », complétée par un décret n°2019-1590 et un arrêté du 31 décembre 2019.
[3] Arrêté du 27 avril 2020, JORF n°0105 du 30 avril 2020.
[4] Décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020 et arrêté du 22 juillet 2020.
[5] Décret n° 2020-1729 du 28 décembre 2020.
[6] Règlement 2019/452 du 19 mars 2019, entré en vigueur le 11 octobre 2020